La nature, et ses services, n’est pas budgétisée à sa vraie valeur

Fin février, la publication du rapport Dasgupta sur mandat du Ministère des Finances (🙂) du Royaume-Uni, a fait le buzz (voir réf. 1). Ses recommandations sont révolutionnaires pour les économistes et financiers. Les nations se trompent en considérant que la nature peut être surexploitée et que la technologie règlera les déséquilibres. En somme de considérer la nature comme extérieur à l’humanité (« externalités » dans le jargon).

Le résultat ? Des budgets publics qui subventionnent en même temps destruction et protection de la biodiversité. En Suisse, l’ensemble des subsides dommageables à la biodiversité se montent à 40 milliards de francs, 40 fois plus que les subventions en faveur de celle-là (voir réf. 2).

L’autre conséquence mise en avant par Sir Dasgupta : l’absence de valeur économique à la nature. Une entreprise ne peut pas mettre à son bilan comptable des actions favorables à la nature et qui bénéficient à toutes.s. P.ex., la conservation des côtes pourrait faire économiser 52 milliards aux assurances. Ces dernières n’ont pourtant aucun avantage à protéger les côtes, puisqu’elles n’y gagneront rien, en particulier en face de leurs actionnaires.

L’actionnariat à la recherche de nouveaux repères ?

Il est donc très difficile d’intégrer la vraie valeur du capital naturel dans les résultats financiers. L’entreprise Danone l’a prouvé aux dépens de son PDG (voir réf. 3.). En effet ce dernier a été remercié suite à un rendement insuffisant, sous la pression des actionnaires. Parce que Danone n’a pas pu intégrer au capital, et donc à sa rémunération, sa politique environnementale, riche et exemplaire.

Deux tendances sont en train de s’affronter parmi les actionnaires, celle qui cherche à conserver des rendements élevés et celle qui demande une intégration croissante de critères environnementaux et sociaux (voir réf. 4).

Et pourtant, 2020 a montré que les entreprises à RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) forte avait moins soufferte de la pandémie. Et depuis plusieurs années, les économistes soulignent qu’un engagement environnemental fort facilite l’accès aux capitaux. Ou que réduire ses émissions de CO2 permet de diversifier ses chaînes logistiques. Parmi les tendances de l’après-pandémie, l’UBS identifie l’environnement comme un thème permettant d’attirer les capitaux (financiers 😉) des investisseurs (voir réf. 5.).

Et voilà, le Produit Intérieur Brut Vert et la Capital Natural sont là

Les Nations Unies ont adopté, il y a peu, un nouveau standard de comptabilité nationale qui permet d’aller plus loin que le PIB. Ainsi, l’Indonésie a simulé l’évolution de son PIB selon différents programmes d’adaptation au changement climatique (voir réf. 6.). De même, les entreprises peuvent aussi intégrer les services dont ils bénéficient de la nature, dans leur comptabilité, grâce au Natural Capital Protocol. Et montrer à leurs actionnaires que gérer durablement son capital naturel, c’est s’assurer des rendements durables.

Alors restez à l’écoute et sortez prendre l’air !

Références
  1. Dasgupta P., The Economics of Biodiversity: The Dasgupta Review, HM Treasury of the United Kingdom, 2021
  2. Gubler L. et al., Subventions dommageables à la biodiversité en Suisse ,Swiss Academies Factsheet 15, 2020
  3. Tchotourian I., Entreprise à mission : le cas Danone, 2020, article paru sur https://www.gouvernance-rse.ca/
  4. O’Kelley R., 2021 Global and Regional Trends in Corporate Governance, Russel Reynolds Associates, 2021
  5. Whittaker R. et al., Sustainable investing after COVID-19. Sustainable investing, UBS Financial Services Inc., 2020
  6. Union Européenne, Biodiversity: ground-breaking change to economic reporting accounting for nature’s contribution to economy, 2021, article sur www.ec.europa.eu